05 Août 2022 Apport cession: Optimiser votre vente de société par la holding
L’apport cession est prévu par l’article 150-0 B ter du Code général des impôts. Il permet de bénéficier au moment de la vente de sa société d’un report d’imposition sur le produit de la vente. Pour rappel, en cas de cession de société, la flat tax doit en théorie s’appliquer (ou possibilité d’utiliser le barème de l’impôt sur le revenu + prélèvements sociaux).
Ce mécanisme plaît énormément aux chefs d’entreprises qui cèdent leur outil de travail. Sa mise en œuvre doit répondre à un cahier des charges très précis.
Des conditions simples en apparence
Le report d’imposition s’applique lors de l’apport de titres à une société soumise à l’impôt sur les sociétés. Oubliez les SCI à l’IR ou encore les SARL de famille. Le siège de la société se situe obligatoirement en France, dans un Etat de l’Union Européenne ou un Etat qui a signé une convention avec la France pour lutter contre l’évasion fiscale.
L’apporteur doit contrôler la société holding. Rien de bien surprenant et cette notion s’apprécie selon la majorité des droits de vote ou des bénéfices ou pouvoir de décision. Pour la notion de contrôle, elle s’étend au conjoint, partenaire, ascendants, descendants, frères et sœurs. Une société familiale s’applique donc totalement.
Il s’agit d’un apport donc exit l’échange en contrepartie d’une somme versée. Néanmoins, le Code Général des impôts tolère une soulte de 10% des titres apportés. Ces 10% seront néanmoins imposés.
L’autre condition tient à la cession. En effet la holding qui va céder les titres doit le faire après 3 ans de détention. Ce délai court à partir de la date d’apport.
Les contraintes de la stratégie
L’apport cession a quelques contraintes à prendre en compte avant d’y recourir.
Si la holding cède les titres avant 3 ans (ce qui est souvent le cas), il faut alors réinvestir 60% du prix de cession dans les 24 mois. Ce nouveau seuil (auparavant 50%) apparait comme très contraignant pour un investisseur avec un profil « prudent ». Le réinvestissement doit s’opérer :
- Dans une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole, financière, etc. Cependant, le législateur a exclus expressément la gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier. Quand bien même la location meublée non professionnelle demeure une activité commerciale, elle ne rentre pas en compte dans l’application de l’article.
- Investissement dans des sociétés à l’IS. Pratique pour un entrepreneur qui souhaite se relancer dans une activité.
- Augmentation de capital ou souscription au capital de PME.
- Fonds de capital investissement, sociétés de capital-risque etc. C’est sur ce dernier point que vous serez souvent démarchés sur des produits. Attention à être très sélectif sur ce qui vous est présenté, nous parlons tout de même de la cession d’une entreprise. Les projets de Private Equity doivent se sélectionner sur des critères précis.
Vous devez conserver ce réinvestissement pendant 12 mois (sauf pour les parts ou actions de fonds de FCPE, FPCI, etc.) qui doivent être conservés pendant au moins 5 ans.
Faites attention aux produits « retail » chargés en frais. Il faut avoir une vraie stratégie dans le réinvestissement des sommes.
Par ailleurs, le report d’imposition prend fin si vous cédez, rachetez, remboursez ou annulez les titres de la holding.
Enfin, vous ne pouvez envisager aucune expatriation puisque le transfert du domicile fiscal hors de France met fin à ce report. Cela peut être très contraignant pour un contribuable souhaitant un jour partir.
Des règles spécifiques en cas de donation
Dans le cas d’une donation, l’article 150 O B Ter prévoit une exception au principe de purge de plus-value. En effet, le donataire se verra imposé en cas de cession, apport, remboursement ou annulation dans les 5 ans à compter de l’acquisition (10 ans si investissement dans les fonds mentionnés plus haut).
De même si les conditions vues précédemment ne sont pas respectées, le report prend fin.
Ces nouvelles règles s’appliquent depuis 2020. Avant, le délai n’était que de 18 mois. Cependant, l’esprit de l’apport-cession est le réinvestissement dans l’économie et la transmission familiale des entreprises. Ainsi cela semblait assez logique d’étendre ce délai.
Toutefois, dans la majeure partie des cas, le réinvestissement se fait via des fonds d’investissement. Le délai de 10 ans est donc très (très) long. Il faut donc anticiper au maximum ce montage et réfléchir à sa mise en œuvre.
Apport cession et abus de droit ?
La notion d’abus de droit est un sujet récurrent dans ce type de montage. Avant 2012, le constat était encore plus fragrant puisque nous étions dans un sursis d’imposition. Il suffisait alors de domicilier sa société dans des pays moins fiscalisés et purger totalement la plus-value.
Le législateur a depuis le 28 septembre 2012 instauré un report d’imposition. Le montant de l’impôt se détermine dès l’apport à la holding.
Le Comité d’abus de droit (CAA) a rendu plusieurs avis remettant en cause l’application 150 O B Ter. par exemple lorsque de nouveaux actionnaires rentrent au capital ou en cas de cession ultérieure aux enfants, non motivés par un intérêt de développement ou transmission familiale.
Il faut prendre garde à ne pas réaliser ce type d’opération sur de simples critères fiscaux. A défaut, vous tomberez sous la coupe de l’abus de droit.